« objets vaillants qui agglomèrent les passions la foi les voix les vues les vies les vifs les vents »


Perrine Le Querrec au sommaire du dernier numéro du Matricule des anges, c’est l’occasion de rappeler qu’elle a publié trois ouvrages aux éditions Lunatique, dont le dernier, La Ritournelle, n’a que quelques mois.


Il accueille ce qui apparaît, l’inattendu l’insoupçonné le long des éboulements. Jamais il n’avait vu ses montagnes de cette perspective, ces montagnes si hautes pourrait-il raconter que pour en voir les sommets il faut s’allonger sur le dos à même le sol, elles sont si immenses si abruptes, pourrait-il dire, qu’aucun homme ne peut concevoir leur grandeur et que l’on se sent infiniment petit, presque rien, lorsqu’on se tient à leur pied. Sur l’endroit immobile Eugen se réjouit de l’organisation parfaite et simultanée du matériel et des mouvements qui l’agissent, une double organisation qu’Eugen dirige avec fluidité joie fierté. Quelle autre fierté pourrait se joindre à la sienne ? Eugen lentement passe d’une scapula à l’autre les empilements penchés sur lui de plaisir Suzanne te réjouis-tu de ce fils maître de la double-organisation ? Lentement, c’est du cinéma au ralenti, Eugen cligne des yeux une paupière descend voile l’univers une omoplate frotte le sol on peut tout voir fraction après fraction Eugen passe sa main r a l e n t i e s u r s o n p a n t a l o n il jouit de lalenteur de sa vie, de la mort du dehors, du rituel de sa création, quelle peinture. Oui se dit-il, Eugen est un grand créateur l’œuvre des murs des sols de l’espace parfaitement organisée il fait partie du grand tableau regarde de tous ses yeux à facettes camouflé dans sa propre organisation, camouflé des battements des paupières jusqu’au corps jusqu’au nom certifié d’existence l’Eugen de sa surface entière de son fond face aux taches des objets vaillants qui agglomèrent les passions la foi les voix les vues les vies les vifs les vents le lent Eugen passe sur un flanc la pièce flanche avec lui, les montagnes se déplacent tournent sur elles-mêmes s’inclinent se rétablissent car Eugen est le point névralgique il se situe au cœur même de la création vers laquelle les rues de Certitude les habitants de Certitude ainsi que Georgia et le père convergent, Venez, Venez, Eugen sourit tangue bateau ivre il donne long cours à son amour la chemise soulevée le pantalon baissé sur le sol épargné travesti en méduse Eugen gonfle son v e n t r e l e n t e m e n t le souffle monte l e n t e m e n t l’entends-tu entre les accumulations les côtes les morts les mots il monte perce les poumons de l’enfant e x p l o s e
pp. 60/62


Commentaires