La neige d’un seul hiver
Par sa fantaisie le chat me prodiguait du courage. Ida répondit aux deux coups secs que je donnai à sa porte. Je devais attendre quelques minutes. Alors je m’assis sur une souche de chêne que l’avancée du toit avait gardé à sec. Mon compagnon félin reprit sa liberté, je le vis s’agripper à une poutre et se mettre en chasse d’une proie éventuelle, oiseaux, rongeurs, envers qui exercer sa cruauté. Le grincement de la porte annonça un jeune homme bien mis que je regardai sortir de la maison, s’éloigner non sans un coup d’œil dédaigneux lancé à mon adresse.
« Je t’attendais. » Ida me prenait la main et me guidait dans sa masure, comme elle aurait guidé un aveugle. Déconcerté, je laissais mon corps la suivre, mon esprit ne l’ayant jamais quittée depuis le premier jour.
« Il faudrait que je te guérisse, me dit-elle. il faudrait que tu m’aimes un peu.
- Ida, tu sais bien sûr que je pense à toi.
- Et Louise t’a dit que j’étais sa sœur.
- C’est ton jeune chat qui rapporte la vie du dehors ?
- Peut-être », dit-elle, dans un sourire de tendresse, incroyablement lascif. Mais, comme elle me parlait, les quelques forces qui me restaient m’abandonnèrent. Je m’effondrai sur la couche qu’elle me présentait. Mes yeux seuls demeuraient grands ouverts, à la contempler ; Ida, belle comme le danger de vivre, l’insoumission. Autant la pâleur de Louise pouvait effrayer, autant sa sœur était brune et brûlait.
« Je sais que tu me désires. » La voix ignorait le doute, la réflexion comme une flèche. Ida était plus sauvage et plus pure que ce fauve innocent qui lui servait de messager.
« Oui, plus que tout. D’un désir d’homme. Mais ma force me trahit et je n’ai plus rien d’un homme. »
pp. 29/30
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