J’avais le privilège de connaître Paul Hébert et de faire partie du cercle très restreint de ses amis. Paul était un homme doué et attachant. Sa clairvoyance et une intelligence hors normes le distinguaient des autres joueurs. À cela se mêlaient une pudeur et une humilité tout en délicatesse. Sa disponibilité était reconnue. Il acceptait avec courtoisie toutes les sollicitations, et ne s’en lassait pas. Il aimait le contact avec le public, le réclamait même tant il appréciait les échanges. Sa bonne humeur, ses traits d’humour renforçaient l’image d’un homme de qualité. Quant à son regard, perçant, captivant, il semblait ne rien perdre de chaque détail de l’existence, comme pour mieux la savourer.
L’argent ? Oui, le jeu lui avait permis d’en gagner beaucoup, mais il ne courait pas après. Pas plus après la gloire, qu’il jugeait indécente. Il m’avait avoué un jour que le succès le gênait, qu’il trouvait les louanges bien exagérées, et s’étonnait qu’on puisse célébrer un homme qui avait pour seul mérite de savoir contrôler un petit espace de 121 cases.
Sa maîtrise du jeu de pions était exceptionnelle. Il en avait été l’inspirateur, il en était devenu le maître absolu. En dix ans, personne n’était parvenu à le battre. Il ne manquait pas cependant de transmettre sa connaissance et de confier les moindres subtilités du jeu. Il en avait décrit la complexité, partagé les analyses, bâti les théories et les méthodes, et avait favorisé son rayonnement.
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