« Mais l’essentiel, c’est de tenir, d’être vivant et de le dire. »

Yvelines. Rambouillet : Philippe Annocque raconte le quotidien d’un prisonnier

Dans son dernier ouvrage, Mon jeune grand-père, Philippe Annocque, originaire de Rambouillet (Yvelines), a déchiffré les lettres de son grand-père.

Philippe Annocque, écrivain installé à Rambouillet, vient de publier les lettres que son grand-père a écrites entre 1916 et 1918.
Dans son dernier ouvrage, Mon jeune grand-père, publié début octobre, Philippe Annocque, installé à Rambouillet (Yvelines), a déchiffré les lettres que son grand-père, prisonnier en Allemagne, de mai 1916 à novembre 1918, écrivait à ses parents. Un témoignage précieux pour l’Histoire et la famille de l’écrivain rambolitain.

Comment avez-vous retrouvé ces lettres ?
Elles sont toujours restées dans la famille. Elles ont été confiées à mon père, qui n’a pas connu son père, qui me les a ensuite données. Par contre, on ne sait pas ce que sont devenues les lettres que mes arrière-grands-parents ont écrites, en retour, à leur fils. Il s’agit de petites cartes standards, fournies par les autorités, sur le format d’une carte postale. Les prisonniers avaient le droit d’en écrire six par mois. C’est ce que mon grand-père a fait, pour entretenir une correspondance la plus fréquente possible. Il écrivait aussi très petit pour pouvoir dire le maximum de choses. Cela a rendu la lecture assez difficile.

Pourquoi avez-vous choisi de rendre ces lettres publiques ?
Cela n’a rien à voir avec le Centenaire. C’est une pure coïncidence. C’est seulement en recopiant les dates, 1917, 1918 que je me suis dit que ça allait faire un siècle qu’elles avaient été écrites. C’était une nécessité familiale. Je n’ai pas connu mon grand-père. Mon père lui-même ne l’a pas connu. Il a contracté une maladie à l’estomac lorsqu’il était prisonnier en Allemagne et elle a fini par le tuer, dix ans après son retour, en 1928. Ce livre, c’est une façon de le faire exister à nouveau. Il y a quelque chose dans cette histoire qui tient de la vie et de la mort. Quand il a été fait prisonnier, ils n’étaient que deux survivants dans son bataillon. Ces deux ans et demi de captivité lui ont sûrement sauvé la vie. Mais c’est aussi là qu’il a attrapé la maladie qui l’a emporté. Je passe le plus clair de mon temps à écrire et à publier, c’était normal de faire un livre de cette histoire.

Dans ses lettres, votre grand-père dit le « rien des jours », selon l’introduction du livre. Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est l’un des sujets qui m’intéressent le plus : ce que l’on peut faire avec les mots. À part le fait qu’ils n’ont rien à manger, les prisonniers, surtout les officiers comme mon grand-père, ne sont pas maltraités. Mais pour ce jeune soldat, engagé, patriote qui se sent empli d’actions, il n’y a rien à faire. La seule chose, c’est d’attendre les colis de nourriture et les courriers qui donnent des nouvelles de la famille. Il y a bien des passe-temps, comme la création artistique, la Trench Art (l’art des tranchées). Nous avons encore quelques objets à la maison que mon grand-père a faits. Mais l’essentiel, c’est de tenir, d’être vivant et de le dire.
On sent aussi le regard de la censure. Il n’a pas le droit d’écrire n’importe quoi. Dans certaines lettres, il y a des lignes barrées, rendues illisibles.
J’ai constaté qu’il y en avait de moins en moins, au fil du temps, mon grand-père ayant dû comprendre ce qu’il n’avait pas le droit de dire. Le langage, du coup, est restreint. C’est ça la vie d’un prisonnier : vide et attente.


Salon du livre des Essarts-le-Roi, dimanche 18 novembre, salle polyvalente, rue du 11-Novembre.

Article original : actu.fr

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