Souvenirs douloureux, et indélébiles d'un harcèlement scolaire




Jérémie Lefebvre se remémore ses années de collège. Souvenirs douloureux, et indélébiles d'un harcèlement scolaire.
Orphelin, élevé par sa grand-mère, fervents catholiques à la limite de la bigoterie, il s'est trouvé en butte à la bêtise et à la méchanceté d'autres collégiens issus de milieux plus populaires, plus turbulents et vindicatifs.
Les causes de ce harcèlement, on ne peut que les supposer : issu d'un milieu bourgeois, timide, bon élève, n'ayant pas le verbe ou les poings pour le faire stopper, il s'est trouvé pris dans un engrenage dominants-dominé. Il a suffi d'un meneur, et la meute qui a suivi ont fait de ses années un cauchemar sans cesse renouvelé.
Bien évidemment les humiliations, la violence verbale ont été exercées à l'insu des adultes, ou dans leur indifférence générale, jugeant sans doute qu'il s'agissait d'histoires d'enfants. La grand-mère spectatrice impuissante essaie de réconforter son petit-fils en l'emmenant en pèlerinage d'où il revient sous le charme, durant plusieurs jours, du prêche entendu, puis à terme le calvaire reprend, malgré le fait que la vieille dame se soit déplacée pour avertir le proviseur de ce qui se passe.
Les séquelles de ce harcèlement sont toujours présentes dans le cœur de l'auteur, qui malgré ce livre assez noir, trouve une certaine forme d'humour acide dans l'expression de son ressentiment vis-à-vis de ses persécuteurs.
Le coup de grâce viendra de son propre fils, lorsqu'il s'apercevra au cours d'un trajet en bus, que celui-ci à un comportement de harceleur envers un de ses camarades. La boucle est bouclée.
Ce livre est la résultante d'une souffrance, qui ne s'est pas éteinte, malgré les années. De nos jours, on parle de plus en plus du harcèlement. Pourquoi maintenant ? Les violences entre élèves ont toujours existé, elles sont unes et multiples.
Auparavant, dans un passé pas si lointain toutefois, elles étaient induites par une différence plus flagrante : Port de lunettes, obésité, handicap physique ou mental, couleur de peau, religion, etc… A l'heure actuelle, plus insidieuses, elles se sont déplacées vers d'autres formes de différences : Milieu social, qualité de l'élève (plus le bon que le mauvais), tenues vestimentaires, la rumeur, et plus nouveau : l'orientation sexuelle. Le phénomène est amplifié par l'accès aux nouvelles technologies : téléphone portable, vidéo, internet qui font que le harcelé n'a aucun moyen de souffler, de trouver une relative tranquillité dans son espace privé, et qui souvent n'arrivant pas à y mettre fin, fini par se supprimer en désespoir de cause estimant que mort il sera enfin libéré.
Le plus terrible c'est que pris individuellement, la composante de cette meute de harceleurs est qu'ils sont et/peuvent être chacun de nous. Et qu'on les retrouve souvent à l'âge adulte, et pour diverses raisons dans notre entourage et/ou milieu professionnel… et cela donne à réfléchir !

Florilège
J'essayais de me maintenir le plus longtemps possible à l'intérieur du réfectoire où j'étais en relative sécurité, malgré les boulettes de pain, les couverts, les frites et les bouts de viande qui volaient et m'obligeaient à rentrer la tête dans les épaules ; mais il y avait le deuxième service, au bout de vingt minutes je me faisais virer par un grand qui n'en pouvait plus d'attendre et je me retrouvais dehors.

Ma grand-mère non plus ne comprenait pas la méchanceté. Elle m'accueillait chaque soir avec du chocolat chaud et des tartines, et me demandait innocemment comment j'allais.

Je n'avais pas le droit de participer au cours. Si je levais le doigt, Rodolphe Lesueur se retournait et passait lentement son pouce sous son menton en me regardant avec fixité tandis que je donnais ma réponse, après quoi Pascale Fleury et Laurent Halbout se retournaient à leur tour avec le même regard et murmuraient : « Fayot...fayot...fayot... » jusqu'à ce qu'ils voient les larmes me monter aux yeux.

Chaque mardi à quinze heures trente, à peine la porte refermée, madame Peterson nous forçait à rester debout derrière nos chaises jusqu'au silence complet Ensuite, son cours commençait. Et il ne s'agissait pas d'un cours, il s'agissait d'un sacre. Madame Peterson exerçait les pleins pouvoirs sur les sujets de sa principauté musicale qui se retrouvaient tous changés en statuettes, aussi mes camarades se rendaient-ils au cours de musique comme à l'abattoir tandis que moi, j'entrais dans un royaume merveilleux.

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