« Nous avons bu. Nous ne prenons rien au sérieux. »


Extrait :
Près de vingt ans plus tard. Le petit deux-pièces dans lequel nous venons de nous installer. Ce premier chez-nous qui rassemble toutes les promesses de notre jeune vie de couple. Ce premier engagement à deux, témoignage d’un équilibre à venir, dont ni elle ni moi n’aurions pu imaginer qu’il serait fragile au point de voler en éclats huit ans plus tard. Nous accueillons des amis. Le repas est arrosé. On s’amuse de l’actualité. On parle de la Belgique. On ironise sur l’ennui mortifère de la ville d’Arlon dont une des convives est originaire. La conversation dérive sur son habitant le plus tristement célèbre. Le « procès du siècle » vient de débuter et occupe les unes des journaux. Déchaînement médiatique. Marc Dutroux concentre toute la psychose pédophile de l’époque. Nous avons bu. Nous ne prenons rien au sérieux. Nous refaisons le procès. La parole est à la défense pardonnez l’accusé, monsieur le juge, les enfants ne sont pas si innocents que ça ! Après tout, ils l’ont bien cherché, ils le voulaient bien... Une boule inconnue me serre le cœur alors que je me surprends à rire. Je m’enfuis dans la cuisine. La boule grossit, se fraie un chemin douloureux le long de ma gorge et explose en saccades. Mes premières larmes. Les seules en vingt ans.
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