« Le talent, ça ne s’invente pas. »


 

RAYMOND PENBLANC : quatre nouvelles courtes


Focus sur un auteur et la collection d’une éditrice. Raymond Penblanc vous a déjà été présenté en ces pages, tout comme les éditions Lunatique où sont publiés ces quatre textes. En revanche je n’avais pas encore eu l’occasion d’introduire la splendide collection 36e Deux Sous de ces mêmes éditions. Cette collection se distingue par plusieurs aspects : des textes brefs, de courtes tranches de vie avec une attention toute particulière à la qualité littéraire. Depuis 2011, elle propose des textes d’une vingtaine de pages, d’horizons divers, je devrais d’ailleurs y revenir. Distinction aussi pour le prix : en moyenne 3 à 4 euros pour la version papier et… 1 euro (oui, un !) pour la version numérique. À ce jour, Raymond Penblanc, également auteur chez Lunatique de trois romans et d'un livre jeunesse, a publié quatre récits dans cette collection.



Bref séjour chez les morts

… Ou la descente aux enfers d’un homme qui tout d’abord tombe, s’échoue, et finit aux urgences, frappé d’un début de paralysie, puis d'une paralysie totale. Il coupe  toute communication, avec les internes, les infirmières, avec tous ceux  qui prennent soin de lui. Il en devient  incontinent, chie au lit, sa tension monte à 22 dans une chambre à la lumière aveuglante. Le malade se sent sale, partout. Heureusement la maladie finit par céder, et l’espoir revient. Avant la  renaissance.

Ce magnifique texte n’est bien sûr pas anodin, il est le récit autobiographique d’un syndrome de Guillain-Barré, l’expérience d'une mort imminente.  Texte âpre, hommage au personnel soignant en même temps que témoignage poétique et tendu de flirt avec la mort, il est puissant et ces images restent gravées dans la mémoire.



Œil-de-lynx

Publié là aussi en 2014. Une sotte histoire qui tourne au drame : deux enfants de 5 ans, Franck éborgne Pascal en classe, avec un stylo bille. Nous retrouvons la victime 10 ans plus tard, en famille, il vient de lui être offert une lunette astronomique pour son œil survivant et unique, de quoi redécouvrir le monde, le voir sous un nouvel angle, un nouveau prisme. Ce même Pascal va tomber ses lunettes et amoureux (vive le zeugma !) de Sarah. Une fête foraine, une idylle, un nouveau fait divers qui une fois encore tourne mal...

 Très beau texte sur un drame de jeunesse. Il fait immanquablement penser à Jim Harrison et à ses nombreux écrits sur son œil perdu à l’âge de 7 ans et les difficultés à vivre plus ou moins normalement. Il est à la fois sombre et empli d’espoir, celui de pouvoir vivre pleinement sa différence, son handicap. Comme le précédent, il est en partie autobiographique.  Il a reçu le prix « Heureux et Lus » 2019 décerné par des élèves du lycée Blaise Pascal de Longuenesse :

https://padlet.com/prix2019/exyffssp7rl0



Les noces d’or

Publié en 2016, ce texte est en tous points olfactif : fleurs, parfums, envoûtement de l’odorat et de son apport pour attiser les souvenirs, floraisons ininterrompues, couleurs se mêlant au paysage. Le sens gustatif, la légèreté et la grâce sont également de la partie. 

Une femme et un homme relativement âgés partent pour ce qui se révélera être un ultime voyage. Chemin faisant ils égrènent leurs souvenirs, prennent ensemble un dernier repas, passent ensemble une dernière nuit  avant de rejoindre le lendemain une maison blanche dont la chambre ressemble à s’y tromper à une chambre d’enfant...

Raymond Penblanc sait se faire sentimental, délicat et émouvant, tout en sensations, les sens en éveil, composant une atmosphère feutrée et sensuelle.



L’Égyptienne

Sorti en 2016, L’Égyptienne est un hommage  à Arthur Rimbaud après une première phrase toute balzacienne où le narrateur semble endosser les vêtements de Rastignac. Ce texte est une flânerie dans les rues de Marseille, sur les pas de  l'homme-aux-semelles-de-vent. Suivons le guide, tout comme ce jeune homme se met à suivre la jeune Lila, dans une découverte très évocatrice des alentours du Vieux Port et des calanques. Baignade puis relation intime. C’est après que le jeune homme s’enfuit. Il se met en quête de l’hôpital dans lequel a jadis souffert Rimbaud. Sur son chemin il rencontre un adolescent  à la jambe plâtrée… Puis une jeune fille très belle qui lutte contre la mort  à l'intérieur de sa chambre de verre… 

Paysages sublimés, balade rimbaldienne, rencontre furtive, un petit texte  dense, riche  en émotions et joliesses. Le talent, ça ne s’invente pas.

 


Des textes orphelins jalonnent aussi les pages de sites comme la Revue Secousse, Levure Littéraire, Hors-Sol ou Le Capital des Mots. Allez y faire un tour, des perles littéraires vous y attendent. Pour découvrir la collection 36eDeux Sous des éditions Lunatique, c’est ici que ça se passe : 

https://www.editions-lunatique.com/36e-deux-sous

Vous ne devriez pas le regretter.

(Warren Bismuth)

Chronique relevée sur le site Des Livres rances

à qui l’on doit déjà la recension de Somerland.


Et si l’on fouille bien, on peut lire avec un égal bonheur 

un inédit de Raymond Penblanc.


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