« La mort et la figure du père hantent ces pages en effleurant ce que les vies auraient pu être. »

 

Charlotte Monégier, Le petit peuple des nuages

Dans les nouvelles de Charlotte Monégier, c'est l'effacement d'une figure, celle du père, symbole de domination, de génération et de possession, vu à travers les yeux de ses proches ou plus généralement d'enfants. Penser au père, c'est faire de l'évocation le principe de son existence. On se rappelle sa présence à travers des images : alcoolique, absent, dépourvu d'attentions ou pensant à d'autres femmes. Il meurt aussi, on disperse ses cendres en Afrique du Sud, ou il s'évapore entre la Normandie et la Bretagne. Evoquer le père, c'est aussi raconter des histoires de famille toujours un peu bancales, marquées par le manque, l'éloignement, les carences affectives, l'amour qu'on n'a pas su montrer ou témoigner. Des récits d'enfance et de petite fille qui devient femme, des histoires de pulsions meurtrières par tant de rage accumulée ou de douceur suscitée par l'empathie de gens croisés ici ou là. La mort et la figure du père hantent ces pages en effleurant ce que les vies auraient pu être. Ce qu'elles ont été en son absence, imitant davantage une trajectoire vallonnée qu'un estran tout plat à Cabourg. Une manière pour Charlotte Monégier de confronter ses personnages, et le lecteur avec, à leurs fantômes. Car le parti-pris narratif ne choisit jamais tout à fait entre la rêverie et le réalisme, les pensées et ce qui est dit.  Entre les coups et l'alcool, les rêves déchus et les illusions encore intactes. Impression de grande douceur finalement même si l'on sent la rage dans le bout des mots. Ces nouvelles aussi comme des voyages où les paysages reflètent l'état intérieur des personnages. Aucun pathos ici, plutôt des plaies frôlées, des voiles de rêve et un humour léger, à la tonalité douce amère. Même si les familles sont comme trouées, instables, dessinées par l'absence, qu'il faut vivre avec les disparus, que l'humeur est aux souvenirs tristes et amères, un recueil paradoxalement et finalement apaisant.

Aujourd'hui, j'ai fait le trajet que vous deviez faire avec papa, mais dans l'autre sens. Je suis arrivé dans cette maison aux murs gelés et tu ne m'attendais pas. La télévision n'a rien braillé, elle est éteinte pour toujours, et je cherche les flocons de glace que je pourrais poser sur les absurdités de ce monde.

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