« l’effet de groupe, le silence et presque le désir de ne pas voir de la part des adultes encadrants »


Benjamin Taïeb, dans son court ouvrage Classe de mer nous livre un témoignage dense, direct, franc sur ce qu’il subit toutes les nuits pendant deux semaines lors de sa sortie scolaire : la violence de ses quatre camarades de classe, de ses quatre « amis ».

« Ensemble ce ne sont plus des enfants ». 

Il relate avec précision ces actes ignobles de vengeance et ce sentiment de solitude auquel il est confronté alors qu’il vit un traumatisme. Le titre et la couverture du livre peuvent paraître léger et anodin, cela tend à penser que l’auteur va nous raconter ses récits de navigation sur la mer et de découverte de coquillages. Mais il en est tout autre. Dans cet ouvrage sur le harcèlement, nous constatons : l’effet de groupe, le silence et presque le désir de ne pas voir de la part des adultes encadrants, le courage d’un enfant mais aussi son incompréhension, le devenir après un traumatisme, le désir de vengeance…

Benjamin Taïeb nous avoue ne rien raconter, ni à ses parents, ni aux moniteurs les récits de ses nuits cauchemardesques : « De retour chez mes parents, je cache les bleus à ma mère – coupable, honteux. » Il se pose la question plus tard, en devenant adulte, et se demande si ses harceleurs avaient des remords et si ces moments de violences ont eu un quelconque impact sur leur vie. Il les recherche sur les réseaux sociaux et découvre leur parcours et leur réussite professionnelle, il hésite à les contacter, les confronter pour leurs actes. Il a songé à les poursuivre devant les tribunaux, lui qui est devenu avocat, mais les faits sont prescrits. Benjamin Taïeb leur offrira finalement sûrement son ouvrage. 

Alors qu’aujourd’hui le gouvernement tente de réduire les violences scolaires et le harcèlement, ce témoignage prend tout son sens dans cette actualité tendue. (À noter : l’article R.421-20 du code de l’éducation prévoit la mise en place d’un plan de prévention des violences, incluant un programme d’action contre toutes les formes de harcèlement, dans tous les établissements scolaires.) 

En effet, selon les derniers chiffres du ministère de l’éducation nationale : « Un établissement sur trois ne déclare aucun incident, un sur cinq en déclare 10 ou plus. Le degré d’exposition à la violence diffère suivant les établissements, leur type ou leur profil social. […] Environ 9 incidents graves sur 10 sont commis par des élèves, très majoritairement des garçons. Entre élèves, les victimes sont souvent du même sexe que les auteurs (plus de 7 fois sur 10). Les violences physiques sont surreprésentées pour les faits graves impliquant uniquement des garçons. […] »

Les mots que l’auteur utilise sont très durs, à travers ce qu’il relate de cet effet de groupe, de cette sournoiserie : Un des harceleurs demande à un autre en pleine scène de violence : « Est-ce qu’il pleure ? Non mais ça brille ».


Une recension parue dans Les Cahiers de l’efpp n°31 - automne 2020



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