À paraître : Scènes d’intérieur sans vis-à-vis, de Myriam OH (Ould-Hamouda) 70 pages, 8 €, Coll. Les Mots-Cœurs, Lunatique
Scènes d’intérieur sans vis-à-vis est une déclaration d’amour tout empreinte de poésie à eux, les invisibles, les inaudibles, les refoulés de la vie et les ignorés du monde. C’est une déclaration d’amour aussi à la langue, aux mots tout simples et aux expressions toutes faites, dont Myriam OH (Ould-Hamouda) se joue pour mieux déjouer la banalité d’un monde sans pitié, et lui insuffler du rythme, du sens, de l’esprit et du coeur. Ici, pas de faux-semblant, la poésie de Myriam OH (Ould-Hamouda) ne prend pas de gants pour dépeindre la vie des gens. On est en plein dedans, et on aime, forcément.
LAURENCE
laurence aime machin
qui aime truc
qui aime chose
qui aime laurence
la vie tient plus du racine que du molière
de façon générale
laurence son truc à elle
c’est le théâtre
pourtant elle est comptable
dans une petite boîte
d’une petite ville
depuis peu
elle trouve l’existence étroite
pourtant elle n’a pas grossi
c’est que ses rêves prennent de la place
depuis que machin
a fait un passage éclair dans l’existence
une nuit — dix heures vingt minutes de vie
supplémentaires ça compte
déformation professionnelle
elle a compté
le nombre exact de regards
de soupirs de sourires de baisers
on ne se refait pas disait
sa vieille tante qui n’a effectivement rien fait
qu’à geindre jusqu’à la fin
laurence
veut pas crever comme ça
sans avoir bousculé aucun univers
partir
comme un consommateur
depuis peu
elle ne se sent plus à sa place « chez elle »
sa petite ville sa petite boîte son appart’
et dans les mains de chose
ses seins débordent
jouir à heure fixe
jouer à la machine à couple
l’emmerde
elle arrête demain
se promet-elle chaque jour
le théâtre
c’est le quotidien qui pose un ultimatum :
partir ou crever à feu doux il faut choisir.
pp. 39-40
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