Parution : Scènes d’intérieur sans vis-à-vis, de Myriam OH (Ould-Hamouda) 70 pages, 8 €, Coll. Les Mots-Cœurs, Lunatique
Scènes d’intérieur sans vis-à-vis est une déclaration d’amour tout empreinte de poésie à eux, les invisibles, les inaudibles, les refoulés de la vie et les ignorés du monde. C’est une déclaration d’amour aussi à la langue, aux mots tout simples et aux expressions toutes faites, dont Myriam OH (Ould-Hamouda) se joue pour mieux déjouer la banalité d’un monde sans pitié, et lui insuffler du rythme, du sens, de l’esprit et du coeur. Ici, pas de faux-semblant, la poésie de Myriam OH (Ould-Hamouda) ne prend pas de gants pour dépeindre la vie des gens. On est en plein dedans, et on aime, forcément.
TOI
tu aurais pu faire carrière
fonder une famille
être quelqu’un de bien
aussi
mais ce que tu veux
c’est vivre
simplement vivre
ambition du condamné à mort
rêve de gosse qui n’a pas atteint l’âge de raison
pas de dettes
pas de recettes
c’est pas tous les jours la fête
y en a où tu fatigues
où tu retiens ton poing à chaque nouveau
« tu aurais pu »
où tu ris aux éclats
pour de vrai
quand tu penses à tout ce que tu aurais pu
avoir
la dernière bagnole en date de patrice
la dernière maîtresse en date de patrice
la dernière pensée que tout le monde a eue
quand patrice est parti
« et son fric et son foutre ils vont partir où, eux ? »
tu as pleuré un peu
c’est vrai
parce que c’était un jour de grand froid
et que bob a gagné quatre euros et cinquante
centimes
précisément
tout ce que tu as
c’est le sourire de bob
et l’amour de ton prochain
le reste t’en as rien à carrer
tu te payes le luxe
de déserter le monde quand tu veux
c’est le prix de la liberté
tu aurais pu faire un emprunt
tu aurais pu parier sur ton passé
tu aurais pu tout miser sur quelqu’un
il est pas trop tard
mais vraiment ça te dit trop rien
ce matin il fait beau
tu iras peut-être marcher
peut-être te faire une toile
ou que dalle
le vide pue moins que le conditionnel.
pp. 9-10
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