« … et puis un jour on renonce à éduquer les autres »

 









Le titre de ce nouveau recueil de Myriam OH vaudrait à lui seul la peine d’être disserté dans ton bon examen de philosophie. En effet, Ce n’est pas ce que tu n’as pas dit mais la manière dont tu t’es tu nous montre déjà un ton, une évidence, une clairvoyance dans ce qu’un silence peut dire, surtout dans l’intonation de celui-ci. Le fracas muet de ce silence laisse en effet place à des interprétations que la poétesse décline ici en plusieurs chapitres dont les titres, eux aussi, forcément nous interpellent.

Ce recueil est révolutionnaire. Il peut être poing levé, rage rentrée, ou allure désabusée, cri expulsé avec douleur, avec amour aussi, dans les quatre coins de l’univers. C’est un recueil de sensibilités, comme si la poétesse laissait s’exprimer ses multiples personnalités, tour à tour combattantes, résignées, pleines d’espoirs, colériques, solaires ou au contraire ténébreuses. Elles expriment à notre goût toutes les ambivalences de la femme, mais aussi celles de l’homme.


L’art des titres de chapitre.

Entre ce que je pense… et ce que je veux dire… ce que je crois dire… ce que je dis… ce que vous avez envie d’entendre… ce que vous entendez… ce que vous comprenez… il y a dix possibilités qu’on ait des difficultés à communiquer… mais essayons quand même (Bernard Werber).

Prendre une citation de Werber pour la décomposer en titre de chapitre est une petite trouvaille plus qu’intéressante puisqu’elle permet à Myriam OH de structurer sa pensée poétique.Tout est dit, ou presque, de l’humanité, dans sa simplicité et toute la complexité qui réside dans le fait d’être simple. Chaque chapitre contient environ 5 textes. C’est aléatoire, mais c’est aussi équilibré. Chaque texte nous renvoie aux impressions de Myriam OH et exprime ce qu’elle a sur le cœur, avec une honnêteté qui force le respect. Pourquoi ? Simplement parce que ses mots sont ceux de quiconque a un peu vécu, un peu compris de quoi la vie est faite.

Ce n’est pas ce que tu n’as pas dit qui fait mal. C’est parfois plus l’indifférence, le mépris, cet éclat dans l’œil qui nous rabaisse qui nous blesse. Il y a là un esprit de rébellion face à des actes manqués, face à des non-dits qui en disent long sur les relations humaines. Mais surtout, il y a cette flamme qui ne cesse de brûler que lorsque la mort s’empare de nous. Cette flamme, c’est la vie, c’est ce combat à dire les choses pour ne pas perdre l’autre, pour ne pas se perdre soi-même.


Révolution.

On peut se battre pour des idéaux politiques, pour des idéaux environnementaux. On peut également se battre pour rester libre, humain, ne répondre à aucune autre injonction que celles que nous nous imposons. Rester libre, oui, d’être ce que nous sommes, d’être qui nous sommes, qu’importe la manière dont tu t’es tu. Il n’y a qu’un élément que nous maitrisons, et ce n’est pas le moindre puisqu’il s’agit de notre pensée. Ici, Myriam OH dévoile la sienne, avec une pudeur incroyable qui ne cache rien.

Car la pudeur en effet n’est pas de se taire, de se cacher, mais de s’exposer en plein jour avec tact et poésie. Ici, pas d’instagram, pas de voyeurisme putassier, pas de m’as-tu vu, pas de clinquant, de bling-bling, tout vient du cœur et ne montre rien d’autre que l’universalité de l’Homme. Celle-ci est belle, surtout quand elle prend la peine de ne pas vouloir blesser, s’imposer ou rabaisser l’autre. En ce sens, la poétesse philosophe, oui philosophe car la poésie est une forme de philosophie, une religion sensible aussi, sans maître divin, dévoile une réalité quant à ce qui nous traverse de part en part lorsque les émotions se bousculent.

Les vérités ici sont absolues justement parce qu’elles ne le sont pas. Nous nous expliquons : comment mieux atteindre une forme d’universalité dans le propos si ce n’est en exposant sa singularité. Ici, la voix de Myriam OH est celle de quiconque n’arrive pas à exprimer ce qu’il a sur le cœur. Elle parle pour tout ceux qui n’ont pas forcément les mots, mais qui ont en eux ces sentiments en « conflits ».


En ressortir lavé.

Nous ressortons de ce nouveau recueil (après le non moins excellent Scènes d’intérieur sans vis-à-vis) lavé de tout sentiment nocif. Nous nous pardonnons de n’être qu’humains, d’être faillibles, de ressentir peut-être un peu trop fort tout ce qui nous entoure et qui nécessite parfois que nous nous protégions d’un peu tout ce qui gravite autour de nous, nous imposant un mutisme qui en dit plus long qu’on ne le croit.

Impossible de reste de marbre face à la puissance des images, des mots qui sont utilisés ici. Viscéraux autant qu’aériens, ils possèdent une grâce pertinente qui nous indique la voie de l’introspection comme façon de guérir de nos blessures. Mais cette introspection, il faut la laisser jaillir sur le papier (ou dans d’autres formats avec lesquels nous sommes à l’aise) car elle parlera sans aucun doute à ceux qui nous entourent et qui, peut-être, ignorent beaucoup de choses sur qui nous sommes.

Comme une mise à plat, Ce n’est pas ce que tu n’as pas dit mais la manière dont tu t'es tu délivre un message de tolérance, aussi bien à l’encontre de qui le lit que de celle qui l’écrit, vis-à-vis d’elle-même peut-être bien. En tout cas, il nous touche en plein cœur ce recueil et nous fait entrevoir la vie un peu différemment.


Extrait choisi.

… et puis un jour on renonce à éduquer les autres
pour s’écouter soi-même
nous sommes des poèmes à nous tout seuls
il nous faut nous relire
nous raturer beaucoup
nous écrire entre les lignes
nous remettre les points
là où ils sont essentiels
nous sommes des chorégraphies des symphonies
des nuanciers sur pattes des clous
du spectacle
nous sommes l’alphabet le chiffre
les conjonctions de coordination les opérateurs
nous sommes des tableaux qui ne peuvent plus s’encadrer…


Une chronique de Litzic.




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