«  Brillance solaire et profondeur maritime. »

 


À paraître le 15 novembre (papier + ePub) :

Enfance naufragée au large de Magouëro ; chiens errants, dans une forêt aux fées, assoiffés de chouchen et de chaleur humaine ; promesse d’une fuite ; Brest et son port, pour un nouveau départ, espoir d’une autre vie ; légendes de pirates racontées dans les bars, entre deux rasades de whisky ; destins croisés, la nuit, sur les quais ; draps froissés, étreintes vite oubliées ; murmure de la ville, inquiétant et bienveillant ; sac et ressac de souvenirs qu’on ne sait oublier ; et une écriture, envoûtante, belle et sauvage comme la côte bretonne : un premier roman dédié à tous les enfants qui s’oublient.

Couverture : Vague #1, Mouche, 2021

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Un petit extrait pour patienter ?


L’air marin fouette le visage de l’enfant. Le regard est tourné vers l’océan. Vaste étendue de paillettes bleutées ; véritable marée de sequins. Comme ceux de la robe que Maman portait hier soir. Brillance solaire et profondeur maritime. L’envie de se jeter dedans, de sauter par-dessus la vague et d’aviser après.

L’enfant s’élance, rattrapé trop vite par une poigne de fer qu’il ne connaît que trop bien.

« On ne se baigne pas après manger. »

La voix a rugi avec fermeté. Rien qu’on puisse dire, rien qu’on puisse faire, rien qu’on puisse contester. Nanou est une nourrice exemplaire. Un tempérament  de  feu  dans  un corps qui provoque les flammes : un large bassin, des fesses rebondies, une forte poitrine installée dans une lingerie délicieusement dentelée et de beaux cheveux blonds coupés aux épaules — pour tous ces messieurs qu’elle aime aguicher. Nanou est belle. Elle aurait pu l’être plus encore, mais Nanou a choisi de devenir gardienne d’enfants. Un milieu dans lequel elle n’a le droit d’être divine qu’en soirée, lorsque les petits sont couchés.

« Quand est-ce qu’on pourra aller se baigner ?

– Dans une heure. »

Une heure, c’est long. Mais c’est la consigne à respecter. L’enfant a cinq ans et il n’aime pas suivre les règles. Son frère en a douze ; il comprend plus vite. Titouan le retient d’y aller et lui propose de jouer dans le sable. C’est marrant aussi. C’est plus sec, plus chaud. Loin de l’eau.

Lorsqu’ils n’ont pas les orteils au pied des vagues, les enfants sont au manoir. Titouan et Raphaël du Marais habitent à quelques pas de la plage. Les dolmens dans le jardin ; les caraïbes bretonnes au bout du chemin. La demeure est immense. C’est rempli de cachettes, de souvenirs à dévorer et de voiles à lever. Titouan en connaît plus que Raphaël. Chaque samedi, il lui apprend un nouveau jeu et lui fait découvrir un nouveau lieu. Demain, Titouan parlera du passage sous le menhir aux lilas. Il a tout prévu, s’est organisé pour bien raconter. Titouan est doué pour partager.

Un jour, Titouan et Raphaël hériteront le manoir de leur père — un homme riche et puissant au regard sévère. Mais les garçons n’en ont que faire parce qu’ils ne sont que des enfants. Aussi, ils ont d’autres préoccupations. Raphaël aime la mer, enchaîne les caprices lorsqu’on lui conseille de s’en éloigner. Titouan doit grandir. Ça ne lui plaît guère, alors de temps en temps il pousse quelques colères — sans sanglots, car Titouan et Raphaël ne pleurent pas. On leur a dit que c’était pour les petites filles. Nanou dit les choses différem- ment. Elle console quand les larmes sont plus fortes que les convictions. Nanou dit que c’est bon de pleurer, alors quand on est là, seuls avec Nanou, on n’hésite pas.

pp. 11-13



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