« De méfiance on se tient à distance de moi. »

   

Captive, un roman d’Elsa Dauphin
À paraître le 15 février 2022

Léa vit seule, en marge de la société. Dans cette solitude volontaire, elle tente de se réapproprier son existence. Mais, le passé trop lourd fait retour, au gré des souvenirs épars et des événements auxquels elle se trouve confrontée. Captive d’une mémoire fragmentée, dans une exploration intérieure troublante, elle oscille entre présent et passé.

Bribe de roman :

On sait d’où je viens et on m’enclot dans une image qui n’est pas la mienne. De méfiance on se tient à distance de moi. Avec le beau temps, j’ai pris l’habitude de venir un peu plus souvent faire un tour au marché où je m’essaie aux paroles convenues qu’implique la plus élémentaire des courtoisies. Bonjour, merci, au revoir, bonne journée. On me répond du bout des lèvres ou on fait mine de ne pas m’avoir entendue, s’adressant à un autre client en même temps qu’on me rend la monnaie. Pour le peu de temps que je passe au village, cet évitement, cet accueil froid, parfois hostile, m’arrangent, n’étant guère encline à partager quoi que ce soit avec mes semblables. La société humaine m’est encore lourde. Seule la bibliothécaire m’accueille avec chaleur, satisfaite de ma présence régulière, de mes errements à travers les rayonnages. Elle a tenté d’engager la conversation à plusieurs reprises, se servant des livres que j’emprunte comme prétexte, mais, en conservant un ton agréable et léger, j’ai toujours coupé court pour ne pas avoir à dévoiler plus que nécessaire les détails de ma vie. Je me dis que, plus tard, peut-être, je parviendrais à m’abandonner aux mots d’une conversation amicale.

Mais, plus tard, peut-être…

Je retourne rapidement et avec délectation à ma solitude peuplée d’oiseaux.

pp. 55-56



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