« Quand la vie perce enfin à travers les masques de la survie. »

 

Rédigé par Yann Caroff pour Télescopages

Myriam Ould-Hamouda est une poétesse de l’intériorité, la porte-parole de nos enfants intérieurs abandonnés, une praticienne du bilan de vie méditatif, qui porte la sincérité en étendard. Dans Scènes d’intérieur sans vis-à-vis, elle esquisse les intériorités et les solitudes de différents personnages à différents âges, explore leurs rêves et leurs peines, prend leur âme au Polaroïd avec ses mots comme fixateur. Un prénom, un poème, rien de plus.

Peu importe que ces personnages soient fictifs ou pas, de toutes façons, ils n'arborent pas la moindre initiale majuscule pour accorder la plus petite importance à leur identité extérieure, chacun est le fruit des circonstances et leur identité est ailleurs, dans les singularités des profondeurs. Sous le costume des apparences, il est surtout question de doutes, de peurs, d'incertitudes, de questionnements, en d’autres termes, de ce qu’il est convenu d’appeler abusivement des incompétences humaines, voire des faiblesses, mais que Myriam Ould-Hamouda réhabilite parce qu'il ne s'agit de rien d'autre que de l'essence du Vrai, de la vérité de l'Essentiel. Et de la beauté de la nature humaine quand elle survit aux épreuves, à l'altérité et aux assauts répétés des violences éducatives ordinaires, et quand la fracture se fait dans la carapace des habitudes, des stratégies de protection. Quand la vie perce enfin à travers les masques de la survie.

Chacun des personnages fait un bilan de vie, une prise de conscience, une crise de milieu de vie, se rend compte que les compromis relevaient de la compromission et qu'il est temps de peut-être offrir de vrais oui et de vrais non au monde. Un processus de métamorphose où l'act.rice.eur retire le maquillage et les costumes pour se présenter nu.e face au miroir de sa conscience intérieure. Dans une poésie libérée de ses contraintes formelles, Myriam Ould-Hamouda photographie ce moment où le personnage devient une personne et mérite enfin de porter une majuscule à un prénom.

Cette écriture en galerie de personnages n’est pas sans évoquer le Walk on the Wild Side de Lou Reed, ou le Boulevard of Broken Dreams de Nat King Cole, qui racontent des enfants aux rêves hauts qui se sont retrouvés secoués par la vie, ont basculé, se sont parfois résignés ou tus, ou au contraire ont résisté. Leur point commun ? Tous ont fait comme ils ont pu, une fois plongés dans cette arnaque qu’on appelle la vie d’adulte.

La capacité d’écoute et l’empathie, deux qualités que Myriam Ould-Hamouda a à revendre, ou plutôt à donner. Avec un ego fait de peu pour laisser la place à l’autre exister, au moins l’espace d’un poème. Puisque l’intériorité des autres est son extériorité à elle, elle deviendra le vis-à-vis de ces personnages seuls face à eux-mêmes, leur reflet dans le miroir. En mettant la lumière sur leurs failles et leurs rêves, Myriam Ould-Hamouda nous restitue notre humanité. Parce que chacun des personnages a quelque chose d'archétypal, cela résonnera avec force. Forcément. J'en fais le pari. A titre personnel, elle est une poétesse qui me transperce, me tend la main et me serre dans ses bras en me disant qu'elle non plus ne sait pas ce qu'on fout là, mais puisqu'on y est, autant faire un voyage vers le beau tous ensemble.


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