« C’est beau et candide comme une respiration. »

 

À l’isolement de la mémoire, à l’écoute, à l’écart, d’une patiente reconstruction. Après l’amnésie sélective d’un drame, une femme retrouve la solitude suite à la captivité, regarde les oiseaux et les saisons, met des mots, de l’écriture, sur ce qu’elle a vécu. Dans une langue brève, rugueuse et concrète comme ce qu’elle décrit, Elsa Dauphin dépeint au plus près cette ordinaire traversée d’une épreuve : la très lente sortie de la captivité. 

Agréable, parfois, de lire des romans dont la simplicité touche à l’évidence. Surtout quand le style, par dépouillement et effacement, permet de se concentrer sur l’histoire, sur les sensations de la narratrice. Tout part d’une perception lacunaire du monde, une lente reconquête de la capacité à écouter, voire de la possibilité de communiquer, un peu, avec ceux qui le peuplent. Un peu de marginalité, sans doute, mais avec une grande entente. On pense, en moins noir, à Toute seule de Clothilde Escalle ou à Petit Traité de taxidermie en moins éclaté. Rien que la présence des oiseaux, apprendre à les identifier, retrouver sa propre solitude. Un temps à soi. C’est beau et candide comme une respiration. En contre-temps vient le trauma, la difficulté à l’avouer, à en briser l’amnésie, à l’écrire. Bien sûr, Elsa Dauphin n’a pas besoin de le suggérer : voilà longtemps que ça dure, la captivité. La solitude de la précarité. Léa Détrier fait la plonge, regarde absente le monde qui lui parle peu. Un crime est commis. Emprisonnement. Il faut noter la grande pertinence, pour autant que je puisse en juger, de la survie en prison. Effarante nudité d’une scène de suicide. Cinq ans de promiscuité. La justesse du ton, dans les chapitres qui alternent passé et présent, pour évoquer ensuite une possible rédemption. Soutien discret d’un agriculteur malgré la haine des chasseurs locaux. On retourne un coin de terre pour entamer un potager, la vie continue, le désir se rappelle à elle.



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