« J’adore les jeunes, je veux les aider. »

 

un roman de Gérard Chambre
À paraître le 25 août 2022



Voyage, voyage


L’été suivant, de retour d’Avignon, où nous venons de jouer plusieurs jours de suite un spectacle au titre révolutionnaire — Prière de laisser le xxe siècle dans l’état où vous l’avez trouvé, affiché dans toutes les toilettes de la ville —, je décide de prendre rendez-vous avec Pierre pour lui proposer une idée qui me semble tout à fait originale.

« Voila, Pierre, il y a en ce moment plus de cinq cents spectacles montés par des jeunes comédiens, que l’on peut voir à Avignon et juger en direct sur les scènes du festival. Pourquoi ne pas sélectionner les dix meilleurs et les programmer à l’espace Cardin dès la fin du festival ?

Oui ! c’est une bonne idée. Vous savez que j’aime les jeunes. J’adore les jeunes, je veux les aider. J’ai été jeune moi aussi, je sais ce que c’est. Et aujourd’hui, quand on n’est pas connu, c’est très difficile pour un jeune de trouver une salle. Alors, on pourrait lancer les vedettes de demain en créant à Paris un festival des meilleurs spectacles d’Avignon. On pourrait faire ça à la rentrée. Vous pourriez vous en occuper ? »

Le projet est tenté à la fin de l’automne, et je suis chargé de la programmation : Václav Havel, Antonin Artaud, Jean Genet, Jean Cocteau, Samuel Beckett, auxquels j’ajoute un jeune auteur méconnu, Gérard Chambre, avec son nouveau spectacle, Le Petit Groom de chez Maxim’s. Malheureusement, l’expérience tourne court. Au départ, tous nos spectacles sont programmés sur la grande scène du théâtre de l’Espace, mais très vite les grosses productions plus rentables sont prioritaires et, au fur et à mesure de la location des différentes salles, nous devons nous replier en des lieux plus modestes. Ainsi, après avoir joué sur le grand plateau, on déménage au premier étage dans la galerie d’exposition, puis dans la petite salle de projection au sous-sol et, pour terminer, dans le local du vestiaire. Toutes les salles sont réquisitionnées : fin du festival d’après-festival.

pp. 16-17



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