La face cachée de Pierre Cardin dévoilée par son ami Gérard Chambre
Il n'était pas uniquement un créateur de mode, mais plutôt un artiste majuscule, un insatiable travailleur et un amoureux des manoirs comme ceux qu'il possédait à Rouvres ou à Houdan, près de Dreux. C'est ce que révèle l'un de ses proches, le comédien Gérard Chambre, dans un livre dévoilant la vie de Pierre Cardin, côté cour.
Il était un peu tout ça. C’était un monsieur à qui je m’adressais avec un immense respect. Au fur et à mesure, il est devenu un peu plus que ça. Il est devenu un ami, qui m’ouvrait des portes, donnait des idées. C’est à la fin de sa vie que je me suis rendu compte qu’il était un grand ami, m’ayant toujours protégé, défendu. Je regrette de ne avoir compris ça plus vite, ayant toujours gardé mes distances. Il était un peu mon père spirituel.
Votre livre, Pierre Cardin, tellement de choses à ne pas dire, est-il trempé dans la plume de la nostalgie ?
Au-delà de Pierre Cardin, je me suis toujours interrogé sur les raisons de la réussite extraordinaire de personnalités, voulant savoir ce qui se cache derrière. En vivant aux côtés du couturier, dans le cadre de nombreux pro- jets de spectacles et de ses multiples actions à travers le monde, j’ai mieux compris ce qui était le moteur de Pierre Cardin.
C’était donc quoi ce « moteur » ?
Il n’a eu de cesse d’être tourné vers le futur, l’avenir. Pour lui, ce qui était déjà réalisé n’était plus son problème... Pour Pierre Cardin, il fallait aller voir ailleurs, aller au bout de ses rêves. Et puis, il avait un regard sur le monde et les gens totalement différent de celui des autres. Pour un décor, par exemple, il choisissait la cou- leur orange, alors que tout le monde préférait en bleu. En fait, il a toujours eu raison. Pierre Cardin s’est toujours emparé des choses nouvelles, étranges, différentes.
Vous écrivez que son plus grand rêve aurait été d’être comédien. Vous-même étiez, quelque part, l’incarnation du rêve de Cardin.
Il n’a pas réussi à être comédien, acteur au cinéma ou au théâtre, mais, à travers ses multiples créations dans la mode et ailleurs, il a été l’un des plus grands « acteurs » du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Il n’a pas été acteur sur scène, mais acteur dans le monde. Il a exercé sa créativité dans tous les domaines, bien au-delà de la mode. De plus, il a toujours été intéressé par le milieu du spectacle en achetant un théâtre, devenant le découvreur de plein de gens, comme Gérard Depardieu. Ses débuts ont été consacrés à la conception des costumes du film La Belle et la Bête. Il n’a fait que ce qu’il voulait, par envie et non pas pour gagner de l’argent. Son ambition était la première d’un spectacle, après, il passait à autre chose.
De tous vos spectacles qu’il a produits, quel a été le plus marquant ?
Il y en a deux dont le dernier sur Jacqueline Kennedy (Jackie, la Dame en rose). Et puis, le show sur Marlène Dietrich, un personnage qu’il aimait beaucoup malgré une relation tumultueuse. Cela ne l’a pas empêché de venir chanter plusieurs fois à l’espace Cardin. Pierre Cardin venait la chercher en Roll’s tous les soirs. S’il aimait les hommes, il adorait les femmes.
Son manoir de Rouvres, mais aussi le château de Thionville, près de Maulette, le domaine de Lacoste ou encore son palais vénitien font partie de ses nombreuses propriétés. Comment expliquez-vous cette « fièvre acheteuse » ?
Il était fasciné par les châteaux qui lui permettaient de poursuivre sa créativité. Prendre une bâtisse, une ruine parfois, et la faire revivre, c’était sa passion ! Il le faisait aussi avec des maisons comme à Rouvres où il a repris plusieurs propriétés. Cela dénotait aussi son attachement à la pierre, à des valeurs authentiques. Pierre Cardin a eu une vie très simple ; il n’habitait pas dans des palaces. Dans ses châteaux, il vivait toujours dans la maison du gardien...
L’un de ses derniers projets était de monter un centre dédié à la création théâtrale et à la mode à Houdan. Le projet est-il maintenu ?
C’est quelque chose qui m’a toujours passionné. Un projet colossal. Pierre Cardin y tenait beaucoup. Il voulait créer deux salles de spectacles, une cité des artistes, etc. Il avait trouvé dans ce lieu, une ancienne laiterie, un formidable espace de liberté. La seule chose qui a été réalisée est la construction d’un local ultra-protégé avec un stock de meubles de sa création. Après ? Je ne sais pas ce qui va se passer.
La région de Houdan et de Rouvres, bien éloigné de l’effervescence du monde la mode, a toujours été l’un de ses coups de cœur.
Pierre Cardin s’est très bien entendu avec le maire qui a été emballé par son projet. Dans le contexte de notre époque, cette commune est une réussite. Elle a l’origina- lité d’avoir conservé son patrimoine historique tout en étant ancrée dans la modernité, avec tous les services répondant aux exigences de notre siècle.
Ses projets lui survivront ils ?
C’est difficile à répondre. J’ai eu la chance de côtoyer son neveu, Rodrigo Basilicati, qui lui a succédé à la tête du groupe. À l’époque, il était complètement à l’écoute de son oncle. En même temps, Pierre avait conscience que toutes ses actions était exclusivement de son propre chef. Il ne pensait jamais à la mort, me disant toujours qu’il était en pleine forme.
Un objet culte que vous avez gardé de lui ?
Une poterie, des dessins aussi. Quand j’allais le voir pour un spectacle, son premier travail était de dessiner le décor. J’ai des petits croquis qui ne sont pas des œuvres d’art, mais, pour moi, elles ont une valeur, une force particulière.
Envisagez-vous un spectacle autour de la vie de Pierre Cardin ?
Je m’y prépare activement à travers une création dite « work in progress ». La première phase sera des lectures chantées de mon livre qui s’accompagnera d’un échange avec les questions du public. Ce sera la première étape d’une comédie musicale sur Pierre Cardin. C’est mon grand rêve, qu’il aimerait beaucoup... même s’il ne voulait pas en entendre parler de son vivant.
Pourra-t-on applaudir ce spectacle à Houdan ou dans la région de Dreux ?
Je le souhaite, je commence par le proposer dans des salons, chez des gens. On peut envisager aussi une dédicace, à Houdan notamment. Je viendrai dans cette région avec plaisir.
Pierre Cardin, tellement de choses à ne pas dire. Gérard Chambre (éditions Lunatique). Prix : 24 €.
Olivier Bohin, L’Écho Républicain
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