« Ils se côtoient, se croisent, parfois même se parlent, mais ils ne s'entendent pas, ils ne se comprennent pas. »


De courtes nouvelles dont les protagonistes sont l'usine elle-même et bien sûr les ouvriers : les ouvriers dans les transports en commun, les ouvriers en retard, les ouvriers le samedi soir, les ouvriers qui rêvent ou bien cauchemardent...

Ces évocations sont toutes vouées à dénoncer l'aliénation, l'asservissement des "masses laborieuses", la construction savamment orchestrée par la hiérarchie d'un individualisme se satisfaisant de la tâche accomplie "Malgré ces points communs qui devraient les unir, ils ne forment pas une classe sociale homogène. Ils ne sont qu'une addition, un entassement d'individus avides d'heures supplémentaires. Ils se côtoient, se croisent, parfois même se parlent, mais ils ne s'entendent pas, ils ne se comprennent pas. Ils se connaissent, mais ne se fréquentent pas. 

"Dis, Paul, tu peux me donner un coup de main ? 

- Mon cul ! Démerde-toi tout seul, j'ai autre chose à faire." page 107,

Yves le Manach dénonce la vente du rêve de la société de consommation qui vaudrait tous les sacrifices, mais aussi l'espoir, l'espoir d'y échapper, celui de tomber amoureux et pourquoi pas de la jolie blonde aux yeux verts...
Après un samedi soir trop arrosé, "La gueule de bois, la gueule de travers, la mémoire au ralenti qui laisse filtrer peu à peu les souvenirs de la veille. Elans de pudeurs. Cette pudeur qui comme un reptile se love contre le sternum, du côté du coeur. "Ce n'est pas vrai, ce n'est pas moi qui ai raconté toutes ces conneries, ce n'est pas possible." Se retournant dans leur lit, ils tirent la couverture sur leur tête et ferment les yeux. (...) Ne parlons pas de ceux qui, enfermés dans leur tour de béton ou leur petit pavillon avec leur conjointe et leur deux enfants, un garçon et une fille, qui marchent bien à l'école, s'abrutissent dans un face à face désespéré avec leur poste de télévision.

Ceux qui ne subissent pas l'épreuve du bistrot du samedi soir ne peuvent pas savoir s'il leur reste ou non de la pudeur." pages 71, 72.

Le choix de raconter au présent, de choisir une désignation impersonnelle comme "ils", celui-là", "nous"... renforce pourtant l'impression d'un groupe social, d'une masse, qui, confrontée aux mêmes difficultés, aux mêmes craintes, aux mêmes soucis, peine à vivre.

Recension déposée en premier lieu sur Babelio


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