« Témoigner des atrocités des camps n’est pas facile mais essentiel »

 


A peine ouvert je savais que ce roman allait me plaire, non pas pour son sujet mais par sa forme. Écrit à la manière d’un poème, l’autrice s’adresse à son grand-père. A l’aide de ses carnets et lettres, elle retrace sa vie dans les années 1938-1945. Le titre fait référence au vœu de son grand-père, Hyppolite, qui souhaitait témoigner de la vie dans les camps. Mais la démarche qu’il avait entreprise pour la raconter dans son « petit cahier » était trop difficile pour lui.

Céline Didier rend un très bel hommage à son aïeul, résistant puis déporté. Elle permet également de faire perdurer le devoir de mémoire. Témoigner des atrocités des camps n’est pas facile mais essentiel. La plume est sincère, directe et accessible. Un livre que l’on peut mettre entre les mains des jeunes générations.

Merci pour ce roman, une belle découverte faite grâce aux 68 premières fois.

Incipit :
« Et si on l’écrivait cette histoire
cette histoire tant de fois racontée
tant de fois évoquée
par bribes
 
Des bribes d’histoire
des bouts
des séquences
des anecdotes
 
Tellement par bribes
qu’on a du mal à l’écrire cette histoire
à la raconter d’une traite
entière »

« Tu ne nous as pas raconté beaucoup de choses
sur ton quotidien de déporté
Tu m’étonnes !
Comment peut-on « raconter » à des enfants
à ses petits-enfants si contents d’être là
en vacances chez leurs grands-parents
si insouciants
si souriants
si heureux ici avec toi et Simone
à la campagne
libres comme l’air
qui vivent les vrais bonheurs simples de la vie
ici à Talipiat
Comment veux-tu trouver le bon moment
pour leur « raconter »
l’horreur des camps »

« En découvrant
la suite de l’histoire
en lisant ces fameuses notes
que tu t’étais bien gardé de jeter
et qui heureusement ont été conservées
je ne vais pas te cacher
ma première impression
à chaud
la difficulté que j’ai eue
à encaisser
à absorber
à digérer
tout ça
ça…
ce « truc » horrible
indéfinissable
que tu as vécu
que tu as été obligé de subir
sans broncher
j’ai pris tout ça de plein fouet
Pas simple-simple d’imaginer son propre grand-père
vivre un tel calvaire
et là maintenant que faire
de toute cette matière abjecte
comment la traiter
comment la retranscrire
« le plus fidèlement possible »
comment m’y prendre à mon tour
pour poursuivre le travail que j’ai entrepris
moi aussi
pour transmettre à ma façon
ce que je retiens de ton histoire
comme un devoir de mémoire
comme un passage de témoin »

« Tu en as vécu
des journées
dans ce camp
plus de trois cents
si mes calculs sont bons
des journées interminables
qui se ressemblent toutes
et se renouvellent inlassablement
aussi terribles les unes que les autres
tu ne sais jamais si c’est la dernière
toute nouvelle journée qui commence
c’est du sursis
c’est du rab
une journée de plus
où tu es encore en vie
la dernière peut-être
tu ne sais pas
qui vivra verra » 


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