« Et si l'on écrivait cette histoire ? »



« Je veux que, plus tard,
les descendants de ma famille sachent 
quelle lutte continue et sournoise
nous avons menée pour libérer note beau pays
Je veux surtout que l'on sache
la vie terrible que nous avons vécue
dans les bagnes nazis »

C'était le vœu d'Hippolyte Thévenard, né en 1920, résistant et maquisard durant la Deuxième guerre mondiale, déporté à Dachau après avoir été dénoncé par un milicien. Il s'est tu durant toute sa vie, cachant à sa famille les détails de l'enfer concentrationnaire comme si parler lui aurait été trop lourd à porter. 
Hippolyte était le grand-père de l'autrice. Elle a retrouvé son cahier de souvenirs ainsi qu'une quinzaine de feuilles volantes permettant de restituer son parcours de 1939 à 1945. 

« Et si l'on écrivait cette histoire ? »
Céline Didier aurait pu faire de son texte un livre d'histoire à partir des archives de la Résistance de l'Ain et de Dachau. Elle a plutôt préféré de partir de son vécu de petite-fille, de ses souvenirs d'enfant, de ses réflexions d'adulte. On sent combien elle s'est imprégnée des écrits de son grand-père, heureuse d'avoir un accès direct à lui dans une version non édulcorée.
Très tendrement, elle croise son histoire personnelle avec celle d'Hippolyte. Ses mots s'entretissent avec les siens ouvrant un dialogue intergénérationnel au delà de la mort. Elle cherche des signes, des points communs, des coïncidences pour s'approprier la vie de ce grand-père qu'elle a peu connu : 
« quand ces petits signes
surgissent
sans crier gare
ça donne des frissons
ça devient 
comme une évidence
comme un petit clin d'œil de la vie »

Elle a écrit sous la forme d'une longue poésie en vers libres dans une langue simple, directe et accessible qui dit l'urgence à raconter son grand-père. Comme si elle avait écrit d'une traite pour qu'on lise dans un souffle. Avec les nombreux retours à la ligne, le texte respire, insistant sur certains mots, certaines phrases, proposant ainsi un passage de témoin tout en douceur pour interroger sur le devoir de mémoire, l'engagement et la transmission au sein des familles. 

PS : j'ai adoré la petite histoire à la fin des « selfies » facétieux d'Hippolyte au photomaton qui ornent la couverture.
Lu dans le cadre de la sélection 2023 des 68 Premières fois

Chronique relevée sur Babelio

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