Mon jeune grand-père, de Philippe Annocque

« Philippe Annocque retranscrit dans cet ouvrage les cartes postales qu'envoyait son jeune grand père, âgé d'une vingtaine d'années, à ses parents, alors qu'il était prisonnier en Allemagne. Discrètement, comme en filigrane, il commente ce travail très difficile. Les cartes ont cent ans, elles sont pour la plupart écrites au crayon papier, presque effacées, on devine l'effort de lecture qu'il doit fournir, l'écriture est petite. De plus, la censure passait par là parfois, et ajoutait des nuances violettes pour rendre illisibles certains passages. Il ajoute de ci, de là, un complément d'information à l'intention du lecteur, avec pudeur, l'invitant à découvrir avec lui chaque autre carte.
Nous suivons Edmond, tout jeune, officier de son état, ce qui lui permet de bénéficier d'une captivité plus correcte que celle des soldats. Il peut écrire, mais sous contrôle, bien sûr, recevoir des lettres, et des colis (fouillés) pour améliorer l'ordinaire.
Il écrit beaucoup à ses parents, qui le lui rendent bien, son père lui répond promptement, sa mère régulièrement, d'autres membres de la famille y vont de leur petit courrier de temps en temps, tant et si bien qu'Edmond reçoit souvent des nouvelles et des vivres, du cuir, des chaussettes ou autres.
J'ai trouvé très touchante la façon dont ses parents se plient en quatre pour lui. A la moindre demande, ils lui envoient ce dont il a besoin. Son père, lui-même officier, devait connaître ce genre de situation, et a sûrement pensé que leur présence maximum par ces envois en nombre devait apaiser son malheureux fils. D'ailleurs ce dernier signale quand il ne reçoit plus de courrier ou de colis, la distribution n'est pas toujours régulière et les contrôles retardent les opérations. Alors on sent le ton monter, le jeune homme s'impatiente.
L'auteur voit défiler sous ses yeux la vie de son jeune grand-père, une vie monotone qu'il essaie d'égayer avec quelques occupations, comme la lecture, le travail manuel, le jeu, le raccommodage de ses effets personnels. Au détour de ces lignes, le petit-fils découvre des prénoms, des noms, des personnages, des lieux dont il ignorait l'existence. Un travail d'énigmes s'ajoute à la retranscription, quelques souvenirs d'enfance remontent à la surface, parfois les noms lui font écho, créant un certain bouleversement, le souvenir d'une photo, d'un objet, d'une image.
Un ouvrage de grande valeur pour son auteur, et un beau partage avec le lecteur de cette intimité, de ces secrets, de ces détails qui remontent de bien loin, lors de la Grande Guerre, qu'on connaît par l'Histoire avec un grand H, mais dont on découvre ici une tranche de vie pleine d'émotion. »

Une lectrice

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