L’histoire : Quarante-quatre ans après Dachau décède le grand-père de Céline Didier, Hippolyte. Elle a alors 12 ans et demi.
Elle en a 44 quand elle prend la plume et se plonge dans les souvenirs de résistant et de déporté d’Hippolyte. Ses souvenirs, il ne les a pas racontés, il les avait précieusement consignés dans un petit cahier qu’il a tenu secret et que Céline Didier découvre longtemps après.
Vient alors le moment où elle est poussée par l’envie et la nécessité de remplir le devoir de mémoire que ses mots implorent. Et elle exauce son vœu à sa façon : introspective, intime et poétique.
La critique de Mr K : Très très bel ouvrage que m’a une nouvelle fois mis entre les mains la professeur documentaliste de mon lycée, livre que j’ai lu en une soirée, hypnotisé par sa forme poétique en vers libre et son propos essentiel en lien avec le devoir de mémoire. C’était ton vœu de Céline Didier est tout cela à la fois et surtout avant tout un très bel hommage d’une petite fille à son grand-père trop tôt disparu, avec qui elle n’a pas eu assez de temps pour parler et échanger.
Hippolyte n’a pas vingt ans quand il est déporté à Dachau, il a été vendu par un collaborationniste (ex collègue de travail dans le milieu agricole) à cause de ses activités de Résistant. Il consigne dans un petit cahier, sous forme rédigée ou non, ses impressions, ses observations, le fil du temps qui passe. Pour se souvenir bien sûr mais aussi je pense pour se raccrocher à quelque chose, ne pas devenir fou. Au contact de ce recueil des années après sa disparition, sa petite-fille nous raconte son grand-père, son parcours mais aussi toute la genèse de son projet, du livre que l’on tient entre les mains.
Elle revient dans certaines parties sur son rapport avec Hippolyte qu’elle a donc perdu très jeune. Il y a des moments de joies, de partages mais aussi des non-dits et des blancs à combler pour les périodes plus difficiles de sa vie. Quand elle finit par prendre connaissance du fameux cahier, ça lui explose au visage, Céline Didier ne sait pas trop quoi en faire. On est dans l’intime mais aussi dans l’universel avec dans un coin de la tête la notion essentielle de Devoir de mémoire. L’ouvrage que le lecteur tient entre les mains est donc le fruit de longues réflexions, d’une envie d’en parler sans ternir ou trahir les propos d’Hippolyte.
Et puis, il y a ensuite les passages où l’on rentre dans le vif du sujet. La vie d’avant avec le travail à la ferme paternelle, le béguin pour Simone déjà (elle lui manquera énormément durant son année de captivité), la guerre et la défaite, l’entrée en Résistance et finalement la dénonciation puis l’envoi en camp de concentration. C'est alors la découverte de l’univers concentrationnaire où chacun n’est plus qu’un numéro, qu’un être corvéable à souhait, sans aucune valeur. On peut se débarrasser de ses ouvriers sans soucis, il y en a tellement d’autres qui arrivent et viennent grossir les rangs des concentrationnaires. Ce monde clos comme fruit d’une autre réalité, où les repères n’existent plus, où les gardes ont droit de vie ou de mort sur vous, changent les règles continuellement, sont capables de vous donner en pâture à leurs molosses... les souvenirs s’accumulent, se cultivent et nous bouleversent par le biais de l’écriture si spéciale de l’auteure.
L’écriture en vers libre est une merveille pour évoquer un destin et une réalité terrible. Pas de cloisonnement linguistique, de barrière. Cette forme d’écriture est la liberté d’expression avec un grand L, on fait ce qu’on veut et Céline Didier l’utilise à merveille. Émotions à fleurs de mots, figures stylistiques inventives, lignes / vers qui se répondent, se transforment, se complètent, l’expérience est enthousiasmante, se construit au fil de la lecture avec un renouvellement constant qui transporte littéralement le lecteur. Elle fait remarquablement écho au sujet grave abordé et magnifie l’aspect intimiste de l’écrit qui nous explose littéralement au visage et nous émeut profondément.
Une grande et belle lecture aussi nécessaire qu’émouvante. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Une chronique signée Le Capharnaüm éclairé
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