Une lecture de Patricia Bouchet, publiée sur le site de l’association Désirdelire
Premier roman de Céline Didier. Un roman, un témoignage, un récit ? Peu importe. C’est un livre dans lequel le lecteur plonge, presque intrigué. Tant de livres nous parlent encore et/ou nous ont parlé de la Seconde guerre mondiale, des camps de concentration. Nous pourrions penser qu’aucune chose nouvelle pourrait nous être dévoilé, conté. C’était ton vœu nous retrace la vie d’un grand-père résistant, dénoncé et interné en camp de concentration. Sa petite fille se pose des questions sur ce qu’il faut dire, comment dire l’histoire de cet aïeul. Le début du roman porte sur ces hésitations, l’angle à trouver. Parler de ce grand père, de qui il était. De souvenirs communs et ensemble.De ce grand-père disparu, et de ce qu’il a gardé de cette épreuve, les traces, les « pas-dits »de son vivant. Puis, elle retrouve son carnet « Souvenirs » où il a jeté des notes, un début de désir de transmission. Puis un complément, qui précise le camp.
Ces passages sont émouvants. Ils tissent le lien pour ceux qui suivent. La transmission. Le livre est presque une conversation entre ce grand-père et elle-même. Sans ponctuation. Un découpage des phrases particulier, comme des flèches qui donnent du rythme et scandent le propos. Une poésie de l’horreur ? Non, un séquençage pour dire le fracturer d’une vie, pour mettre en forme la parole qui s’ouvre par morceaux. On ne raconte pas l’horreur d’un trait. On ne peut livrer ce passé à Dachau que par fragments.
Une trace, un témoignage à deux voix, qui certes parle d’effroi, d’horreur, des camps de concentration, de délation mais qui EST et RESTE un grand cri d’amour à ce grand-père survivant et héroïque. Beaucoup de pudeur dans la façon d’appréhender, de dire l’impensable. C’est un roman original par sa forme et bouleversant.
En couverture, quatre portraits Photomaton du grand-père en 1967. L’invention des cabines Photomaton vient conclure le roman. Un détail à découvrir. Comme un signe. Le détail qui toujours, ramène au passé.
Céline Didier, Née en 1976 à Bourg-en-Bresse, dans l’Ain. Vit actuellement à Lorient. C’est en Bretagne que Céline Didier a posé ses valises en 2012. Elle n’en est pas repartie. Elle ne se lasse pas de cette région pour laquelle elle a eu immédiatement un coup de cœur, faisant même passer la capitale des Gaules en deuxième position. Lyon, elle y était arrivée pour étudier l’histoire et y était restée une quinzaine d’années. Son métier dans les domaines de la culture et de la communication (action culturelle autour du livre et de l’écrit, archéologie préventive, art contemporain…) et sa vie personnelle l’ont ensuite amenée à parcourir d’autres contrées, plus ou moins éloignées… de la Méditerranée au Morbihan. L’écriture fait partie de son quotidien professionnel depuis longtemps. Elle a d’ailleurs également corédigé des ouvrages thématiques sur les politiques culturelles. Mais c’est un autre type d’écriture plus personnelle, sans contraintes, sans éléments de langage, qu’elle a eu envie d’explorer. Elle se donne alors toute liberté de ton, de style, pour aborder une histoire très personnelle qui résonne aussi de façon universelle. Par une écriture intime et directe, elle plonge dans l’histoire de son grand-père en mettant au jour les traces qu’il en reste – souvenirs et écrits –, tente de comprendre les silences, questionne l’engagement, la filiation, la transmission et la vie… après la déportation. Cela donne naissance à son premier livre intitulé C’était ton vœu et publié aux éditions Lunatique.
C’était ton vœu a fait partie de la sélection 2023 des « 68 premières fois »
Questions à l’auteure.
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