« Un grand écart entre mon matin d’hier et celui d’aujourd’hui »

À paraître le 7 février 2024
 

marche nage Vole suit une femme dans sa quête d’émancipation ; et Virginie Séba nous incite, tous·tes, à regarder sentir renifler goûter toucher entendre toutes les jolies choses de la vie, à en jouir, corps et âme, car c’est ainsi qu’on aime la vie. Elle nous souffle aussi que d’une chute, terrible, brutale, on se relève, qu’on le peut, qu’on le doit, pour aller de l’avant.  

Rythmé, généreux, poétique et inspirant, ce recueil est un vrai dopant pour tous celleux qui le lisent. Il encourage à aimer la vie jusque dans les petits riens que trop souvent on oublie, on ignore, à prendre des risques, à se bouger (à vélo dans les rues de Paris ! mais pas que), à rencontrer des gens, à satisfaire ses envies et à exaucer ses rêves — à vivre, tout simplement.


Paris—Lomé du jamais vu
Un grand écart entre
mon matin d’hier et celui d’aujourd’hui 
Il a prévu le café soluble
et les tartines de pain blanc 
Légèrement sucré m’a-t-il dit
Dormir avec la clim
Oui non je ne sais pas
Ça fait du bruit
Alors choisir
Pas de clim
Sommeil nu
Dormir légère
Se réveiller
Chercher le jour
Fenêtre donne sur sombre
Se doucher
Eau froide c’est bon
Sortir
Marcher
Petite robe légère
Sandales plates
Regarder
S’empêcher de prendre des photos 
Marcher dans les ocres
les creux les bosses
les trottoirs défoncés
Marcher marcher
Lever les yeux
Tu sais on ne marche pas ici
même 200 mètres on ne marche pas
J’ai marché marché
longé l’hôpital
la lagune
cherché une banque
fait demi-tour
pas de masque
J’ai marché marché
On m’a dit tu veux aller au Bénin
Entre mer et fleuve l’eau se rencontre
J’ai marché marché
cherché un banc pour m’asseoir
un parc un square
J’ai vu des échoppes sur les trottoirs
J’ai vu des choses que je ne dirai pas
J’ai entendu des bonjours
J’ai entendu
Ne marchez pas si vite
Et j’ai marché marché
On m’a dit
Prends de quoi t’éponger tu vas transpirer
et j’ai marché marché
cherché une banque
mais pas de masque
alors j’ai fait demi-tour
changé de trottoir
Petite Blanche aux cheveux blancs
en train de marcher voler
Un drôle d’oiseau
Penser à se doucher
Eau froide
sur corps chaud
J’ai marché marché
Enfin à l’hôtel
se doucher se changer
On m’a dit
Ici on change de tenue plusieurs fois par jour
Ici on ne marche pas
Bientôt monter à l’arrière d’une moto
Une zémidjan
Mieux que le métro
filer dans le vent
Ici on ne court pas 
Ici on ne marche pas
Ici on file à moto
et je frissonne
Emmène-moi vite Lomé!

pp. 75-79


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