« tous deux semblent incapables de finir leurs phrases, de peur de ne pas avoir le temps de tout se dire »

À paraître le 19 juin 2024
128 pages • 14 €

Quatre-vingts ans après Charles Trenet, Benjamin Taïeb s’interroge : que reste-t-il de nos amours ? Nostalgique d’un âge où le futur se conjugue au présent composé des instants partagés avec l’aimé·e, où le monde s’offre à vous dans l’amour qu’on lui voue, où l’on n’a d’existence et la vie de sens qu’à deux, Benjamin Taïeb dissèque, avec beaucoup de minutie et tout autant de facétie, les palpitations d’un cœur, celui de Paul, amoureux de Valérie. Paul et Valérie, qui se voient (seuls au monde et) uniques, alors qu’ils s’illusionnent de la même façon que tout un chacun·e, amoureux•reuse pour la première fois. Leur histoire, tout compte fait, n’a rien d’exemplaire, elle suit à la lettre, ou presque, les exemples abondamment donnés par la littérature, classique ou moderne. C’est l’éternelle histoire des histoires qui ne le sont pas, quand bien même on y croit.


C’est l’heure des grandes révélations personnelles, tous deux semblent incapables de finir leurs phrases, de peur de ne pas avoir le temps de tout se dire : j’aime les chats, mon poisson rouge est mort, oui, celui gagné à la foire du trône, ah, et comment tu l’as transporté, c’est triste, tu n’as pas trop chaud, moi aussi j’aime le thé, le dos crawlé surtout, je me souviens d’une fois à la mer, dis c’est quoi cette cicatrice, si je te disais comment c’est arrivé tu ne me croirais pas, tu habites où, je lis surtout des BD, une super crêperie, juste en bas de chez moi, on avait monté une association avec des copines, une vilaine grippe, ça m’a achevé, j’aime beaucoup le jazz, tu as combien de frères, moi deux, tu pars en vacances, j’ai un grand frère, tu dois avoir faim, qu’est-ce que t’as envie de manger, tu devrais lire Barjavel.

Il y a dans le timbre de leurs voix une intimité semblable à celle de vieux amis qui se retrouvent après des années de séparation. Puis ils se taisent. Ils se massent à tour de rôle : c’est ainsi qu’il se découvre un talent qu’il ne soupçonnait pas, promenant ses mains sur la nuque de Valérie, son dos, son visage. Et c’est assez pour faire démarrer les choses. Et peu après, pas tout de suite après, mais plus tard, ils deviennent amants. C’est ainsi que cela se passe, en général.

pp. 15-16



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