Un
exposé très clair et détaillé pour mieux comprendre le travail
d'un petit éditeur.
Un grand bravo et un grand merci à son auteur,
Pascal Galodé, dont nous reproduisons intégralement ici le billet.
POUR
EN SAVOIR PLUS SUR LA CHAÎNE DU LIVRE
Pourquoi
la petite édition connaît la crise
Le monde du livre et
surtout celui des petits éditeurs connaît une crise sans précédent.
Quelques
vérités de terrain depuis 25 ans :
1-
Pour qu’un livre soit lu, il faut qu’il soit écrit ! (les
auteurs)
2
– Pour qu’un livre soit lu, il faut qu’il soit édité ! (les
éditeurs)
3
– Pour qu’un livre soit lu, il faut qu’il soit vendu ! (les
revendeurs de toutes sortes)
4
– Pour qu’un livre soit vendu, il faut qu’il soit connu des
revendeurs et des lecteurs.
5
– Pour qu’un livre soit connu des libraires, il faut un
diffuseur/distributeur (commercial multi-cartes et service logistique
et financier)
6
- Pour qu’un livre soit connu des lecteurs, il faut des
prescripteurs (médias en tous genre et bouche à oreille)
7
- Pour qu’un livre soit vendu, il faut qu’il soit défendu et vu
par le revendeur !
Pourquoi
les petits éditeurs n’arrivent-ils presque jamais à faire
connaître et vendre leurs livres dans le système actuel ?
1
– Les auteurs ne les choisissent pas toujours, et c’est dommage,
par convictions et proximité éditoriale (ex syndrome pages jaunes
et depuis quelques temps Google) et privilégient à juste titre les
grandes maisons d’où les lettres types qui répondent à des
milliers d’auteurs la même chose.
Un
remède : ne pas envoyer son manuscrit dans la nature comme une
bouteille à la mer mais cibler sa recherche d’éditeur
sérieusement en ayant lu quelques uns de ses livres. Pourquoi
voudriez vous que votre livre se vende si vous n’achetez rien vous
même chez l’éditeur qui vous publie ?
2
– Une fois l’éditeur trouvé, ne pas s’imaginer qu’il est le
Bon Dieu et que désormais tout est fini. Le plus dur reste à faire.
Le rendre agréable aux lecteurs et surtout le vendre.
3
– Pour faire connaître un livre aux libraires, pas de solutions
magiques. Ils sont pour la plupart submergés de titres et dans 80%
des cas ne font que gérer des flux. Les grands éditeurs les inonde
vraiment et leur tienne même la tête hors de l’eau si nécessaire
financièrement. Pour le reste, il suffit d’une gestion des flux et
donc de se faire rembourser des livres dont pour la plupart ils ne
connaissent rien. Comment résister à la pression des créanciers
importants ?
4
– Pour que les prescripteurs s’emparent d’un ouvrage, une
solution simple quand on a les moyens, nouer d’excellentes
relations presse avec les grands médias professionnels ou grand
public. Découleront de cela des services de presse gracieux que les
journalistes les plus indélicats revendent en solde chez Gibert ou
ailleurs avant même la sortie du livre en librairie pour les
éditeurs à petits budgets, des relances par une attachée de presse
pour des budgets plus sérieux, des déjeuners de presse, des petits
déjeuners également, des dîners en sus pour les maisons moyennes,
les plus importants y ajoutent (c’est pas ou c’est bien et) des
contrats d’auteurs signés avec les journalistes les plus influents
et ils sont nombreux les bougres (comment refuser un coup de pouce de
ci de là à son propre éditeur et avec un budget la courbe de
Gausse est réalisable), puis si on est encore plus riche, on associe
le marketing (publicité papier et radio) mais avec régularité si
l’éditeur veut que cela soit efficace.
Pour
la TV, les réseaux « d’amitié » sont les plus efficaces, mais
rien n’empêche d’y associer les points précédents sauf la pub
puisqu’interdite pour les livres (officiellement et sans doute de
bonne foi pour ne pas défavoriser les maisons modestes). Vous
comprenez donc que qui cela favorise finalement.
5
– Entrée en scène des grands groupes sur le plan commercial,
Hachette, Planeta (ex Editis), Gallimard-Flammarion, Le Seuil-La
Martinière etc. Ils enfilent la casquette de commercial et de
distributeurs. Ils marchent plus ou moins tous sur le même modèle :
-
Grosses remises aux libraires gros revendeurs (logique) et ils
placent en plus de leurs propres titres les titres des éditeurs plus
modestes diffusés par leurs soins. En somme, le même commercial
représente à la fois les marques de sa maison mère et celles des
clients. C’est évident, avec plusieurs centaines de titres par
mois il vend beaucoup mieux lesquels selon vous ?
Soyons
juste il lui arrive de bien vendre des petits éditeurs et alors le
Jackpôt est aussi pour le diffuseur et le distributeur qui sont
payés par l’éditeur sur les flux allers dans la grande majorité
des cas.
Le
distributeur lui essore le libraire avec des frais de port pour les
retours et des frais de stockage pour l’éditeur qui n’a pas
prévu ces retours. Je me demande même s’il ne finit pas par
gagner plus grâce aux retours d’invendus ? Pas vous amis lecteurs
et auteurs ?
6
– cf point 4.
7
– Comment imaginer qu’un libraire puisse lire les ouvrages qu’il
reçoit. C’est juste impossible, donc il en sélectionne quelques
uns et les afflige du fameux coup de cœur du libraire. Il n’a plus
le temps de parler à ses clients, il gère des flux de stocks, il
conseille ce qu’il connaît mais ne peut prendre connaissance de
tout. Il va donc à l’essentiel, la survie de son entreprise et je
ne lui jette pas la pierre, je suis même d’accord avec lui par
principe. Il vend donc ce qui se vend, et de temps à autres fait de
son mieux pour des auteurs qu’il aime vraiment et qu’il veut
faire découvrir. Malheureusement cela reste marginal.
Les
grands groupes se concentrent de plus en plus, c’est la loi du
genre économique et les petits éditeurs malgré la passion qui les
anime, malgré la qualité aussi souvent que les grands éditeurs de
leurs ouvrages, annoncent des ventes dérisoires à leurs auteurs qui
déçus et aigris s’en iront voir ailleurs souvent.
Vous
me direz que j’exagère car des petites maisons peuvent aussi
connaître le succès. C’est rare mais vrai. ! Les succès
inattendus font l’objet des grands médias papiers, audio et TV.
Là, j’affirme qu’ils volent au secours du succès un peu comme
nos hommes politiques de tous poils.
Mais
les grands éditeurs ne sont pas perdants, ils engrangent les
résultats en diffusion (eh oui même si le commercial ne fait plus
rien, les commandes passent par lui), en distribution (normal il faut
bien livrer, encaisser le paiement des libraires à 60 jours et payer
l’éditeur à 120 ou 180 jours pour l’export tout en conservant
des provisions pour retour de 10% en moyenne ce qui est le cas même
pour des ventes modestes)
Ensuite,
c’est simple, on reprend les droits en poche chez un grand puisque
les petits n’ont pas de poches ou très peu. Du coup, une fois le
livre de poche édité par un grand, les ventes du petit éditeur
sont quasi nulles (logique)
Si
un auteur connaît le succès, il est très très courant qu’il
soit approché par un grand éditeur qui lui fera miroité une jolie
marque, une avance sur droit tellement conséquente que peu d’auteurs
peuvent la refuser, et une médiatisation importante (il est déjà
connu et en plus il bénéficiera des ficelles des points précédents)
Morale
de l’histoire n° 1 : le petit éditeur est condamné à servir de
laboratoire de recherche et développement aux grands éditeurs, à
ses frais bien sûr, à être racheté s’il réussit ou à la casse
s’il est border line, à mourir de sa belle mort sous les
invectives et les insultes des auteurs effondrés par l’incompétence
de cet éditeur incapable de faire comme les grands.
Morale
de l’histoire n° 2 : les petits éditeurs doivent réinventer avec
les libraires amoureux du livre un système de distribution
supprimant les intermédiaires. C’est ce que j’appelle le ou les
circuits courts.
Morale
de l’histoire n° 3 (fin) : C’est vous tous, nous tous les
lecteurs qui pouvons, tous ensemble, engager cette démarche, sans
quoi dans quelques années, nous lirons tous les mêmes livres
(processus déjà en marche). Nous avons la solution car le bouche à
oreille n'a d'autres buts que celui de partager un plaisir avec
d'autres.
Qu'on
se le dise !
Pour
ceux qui sont allés au bout… Merci
Pour
les autres… Merci d’avoir essayé
Pour
tous
Mes
amitiés livresques et sincères,
Je vous ai lu jusqu'au bout (si! si!) étant arrivée sur ce très bon article par le lien FaceBook relayé par les éditions D'un Noir Si bleu. J'abonde complètement dans votre sens. C'est bien la raison essentielle qui me pousse à poursuivre la gestion d'une petite librairie associative ambulante où nous avons fait le choix de ne vendre que des livres lus et aimés afin de mieux les partager! Et priorité est donnée aux petits éditeurs qui nous révèlent des perles de lecture!
RépondreSupprimerBonjour, courageuse Martine ! une chouette idée que cette librairie associative ambulante. Et de ce que j'ai pu voir ici (http://www.leslecturesdemartine.com), vous proposez beaucoup de belles choses. Tout jeunes éditeurs, nous ne pouvons qu'apprécier que des libraires fassent le pari osé de proposer leurs coups de cœur pour faire découvrir des auteurs qui mériteraient de trouver leur lectorat. Des perles de lecture, notre catalogue en regorge (évidemment !). Nous comptons même une Vaentinoise dans nos rangs, et pas des moindres puisqu'elle a remporté un Prix du Premier Roman (Laval 2013) et a représenté la France lors d'un Festival de littérature européen.
RépondreSupprimerRavie de vous compter parmi nos lecteurs (tout au moins du blog - c'est un début !). Bien à vous, Pascale